Histoire de l'hypnose de rue

[iago]

Hello à tous,

Une petite radio locale mulhousienne m'a proposé de leur parler un peu de l'hypnose de rue demain soir. Du coup je cherche quelques infos sur l'historique de cette pratique : qui a commencé en France, est-ce que ça existait déjà à l'étranger, est-ce qu'il y a eu plusieurs mouvements/écoles, y a-t-il eu un âge d'or, la pratique est-elle en expansion, etc, etc. Je vais essayer de dire le moins de bêtises possible.

Et indépendamment de l'émission de demain ça m'intéresse beaucoup !

a+

[Jean-Emmanuel]

J'ai peu de temps, je vais faire court, mais j'espère que cela t'aidera.

 

J'ai été un des premiers à faire de l'hypnose de rue en France. J'ai importé ça directement du Royaume Uni et du mouvement "Street Hypnosis" lancé par Anthony Jacquin et Kev Sheldrake. Il existait un mouvement similaire aux Etats Unis lancé par Jonathan Chase (qui faisait aussi du spectacle, comme Anthony Jacquin d'ailleurs).

 

Aujourd'hui, l'hypnose de rue en France a pris tellement d'ampleur qu'elle dépasse allègrement tout ce qui se fait au Royaume Uni et outre atlantique. Pour une fois

Et l'expansion continue, je le vois sur le site et le forum. 

 

Aujourd'hui en France, il n'y a pas que Street Hypnose. Il y a aussi l'hypnose urbaine de Pank, l'hypnose impromptue de l'AFH, et certainement d'autres mouvements parallèles encore. Il y a un vrai engouement autour de cette pratique et c'est génial !

[iago]

Merci JE ça m'aide beaucoup.

[Mister Magoo]

Quand on voit expansion de l'hypnose de rue. On pourrait se demander si au bout d'un moment les gens ne vont pas se lacer de nous voir faire?

N'allons nous pas (les différents mouvement) nous marcher sur le pieds au bout d'un moment?

 

(marc13 sort de ce corps)

[Koten]

Pour répondre à ta question, Magoo, les pratiques sont différentes, donc on ne se marche pas trop dessus. Sur Street-hypnose, on est plutôt dans la recherche du phénomène et dans le contournement des résistances. En plus de ça, le phénomène d'émulation créé sur le site (apports du blog + vidéos du forum) tendent à ce que chacun obtienne une performance avec des techniques aussi larges que possibles. 

 

En opposition, chez HnO, ils sont beaucoup plus soft que nous. Ils veulent créer un état hypnotique et orienter leurs séances sur de la relaxation/bien-être. Ils ont presque complètement fait disparaître les phénomènes hypnotiques. Aussi, leur mouvement est beaucoup plus petit, donc il y a moins d'évolution.

 

D'un point de vue éthique, chez Pank on nous reproche d'aller chercher à provoquer le phénomène; ils disaient vers Avril-Mai de cette année -si ma mémoire est bonne- que leur éthique était plus humaine que la nôtre. Ce n'est ni vrai ni faux; ce sont juste des visions différentes de ce à quoi doit ressembler l'hypnose dans la rue. Peut-être que les techniques de SH sont plus directes, plus "spectacle de rue", là où Pank aimerait plus virer vers du très-légèrement-thérapeutique.

 

(Et l'AFH je connais pas, donc je peux pas dire.)

[Mister Magoo]

Merci Koten pour cette explication très intéressante.

[iago]

J'ai une une intéressante conversation avec Raimy Phénix, qui m'a rappelé qu'on faisait déjà de l'hypnose dans la rue avant qu'apparaisse "l'hypnose de rue". Il y a toujours eu des hypnotiseurs de spectacle à travailler dans l'espace public, il  a toujours eu des passionnés qui saisissaient n'importe quelle occasion pour pratiquer et comprendre l'hypnose (dans la cour de récré, dans les bars, dans les soirées et les discothèques, etc.)
 

La question serait donc de savoir ce qui fait la spécificité de ce tout jeune mouvement - qui n'a commencé à vraiment exister qu'il y a un ou deux ans, d'après RP. Je pense qu'on pourrait comprendre l'hypnose de rue comme un embranchement tardif de l'hypnose de spectacle, à condition de préciser ses différences :

- la disparition de tout espace scénique, au profit d'une proximité extrême avec le volontaire. La mode du close-up en magie a du avoir une grande influence ici.

- par corrélat, la diminution du rôle du public. Le premier public, en hypnose de rue, c'est le volontaire, c'est vers lui que doit tendre la pratique. Mais il ne me semble pas que ça implique que le public "extérieur" soit mis hors-circuit : au contraire, j'ai l'impression que justement l'implication émotionnelle du public est plus forte, puisqu'il s'agit d'entrer un empathie avec l'expérience personnelle profonde du volontaire

- le fait d'avoir une pratique non-tarifée me semble très important, et ça rejoint le point précédent. Qu'une séance soit gratuite implique qu'elle ne soit pas faite dans l'intérêt matériel de l'hypnotiseur. Il y a sans doute un intérêt symbolique dans le fait d'hypnotiser (pour la compréhension et la découverte du subconscient), mais sur ce point le volontaire et l'hypnotiseur se retrouvent. (après, il y a malheureusement l'éternelle et inévitable question de l'égo...)

- mais surtout - et je crois que c'est plus déterminant que ce qu'on pourrait croire - l'hypnose de rue me semble intrinsèquement liée au développement de nouveaux moyens de communication. De ce point de vue, l'hypnose de rue est fille de son époque.

1. Avec la multiplication des sources d'information et la facilité à y accéder, l'hypnose perd tout côté ésotérique, et peut se voir réduire à l'apprentissage de techniques extrêmement simples. Le culte du secret, qui persiste encore chez les magiciens (quoi qu'il peine lui aussi à se maintenir), ne peut plus fonctionner. Cette inflation de l'information a des conséquences sur la nature de l'activité et ses buts : on veut tirer l'hypnose des clichés dans laquelle elle est encore empêtrée, on se donne pour mission de "démystifier" ces phénomènes...

2. Par corrélat, la multiplication des moyens de contact brise la relation maître/élève, caractéristique de l'hypnose de spectacle ou de l'hypnose médicale. Ce forum en témoigne, l'apprentissage de l'hypnose de rue ne se joue plus dans une relation verticale celui qui sait/celui qui apprend, mais dans une relation horizontale où chacun contribue à égale mesure à la construction d'un savoir commun. L'hypnose de rue accompagne un mouvement plus général de restructuration de la transmission et de l'initiation.

3. La multiplication des sources de capture (appareils photos, vidéos, téléphones portables) peut expliquer pour partie l'importance prise par l'hypnose de rue. L'hypnose de rue se caractérise à la fois par son caractère spectaculaire et son caractère personnel (combien de fois ai-je entendu "hé, je vous reconnais, c'est vous qui avez hypnotisé [machin], j'ai vu la vidéo sur facebook"). Dans les vidéos d'hypnose de rue, l'hypnotiseur et l'hypnotisé se mettent en spectacle. La scène, disparue en tant que lieu, est reconstituée en tant qu'image.

 

Voilà quelques réflexions sur les spécificités de l'hypnose de rue. A vous de me dire si ça vous semble juste.

[marc13]

Quand on voit expansion de l'hypnose de rue. On pourrait se demander si au bout d'un moment les gens ne vont pas se lacer de nous voir faire?

N'allons nous pas (les différents mouvement) nous marcher sur le pieds au bout d'un moment?

 

(marc13 sort de ce corps)

:lol:

[Mister Magoo]

Désolé marc13 c'est vrai que c'était facile.

J'espère ne pas t'avoir blessé.

[BrunoJ]

@Bentham

 

Dis donc, tu pourrais écrire une thèse sur le sujet, du type "sociologie de l'hypnose de rue et son intégration dans un cadre post-moderne" ou un truc du genre

 

Je plaisante, hein, ton intervention est intéressante

[Mister Magoo]

Ça serait cool si on pouvait avoir accès au Podcast de cette émission

[iago]

@BrunoJ

Dans la vraie vie je suis prof de philo... Déformation professionnelle, on dira. Mais j'aimerais bien avoir vos analyses à vous sur l'hypnose de rue en tant que pratique, ce qu'elle est, et les raisons de son apparition...

 

@Mister Magoo

Le podcast est là https://www.mixcloud.com/LaRadioEponyme/colormind-octobre-2014/

Rien de particulièrement transcendant. Les phénomènes hypnotiques n'ont pas marché, mise à part une amnésie moisie du 4. Tout ça doit commencer vers la première demie-heure, l'interview commence vers la 58è minute. C'était bien sympa quand même !

[marc13]

Désolé marc13 c'est vrai que c'était facile.

J'espère ne pas t'avoir blessé.

 

Tout au contraire, J'ai vraiment bien aimé ton humour.

[marc13]

Bonjour,

 

Il ne faut pas confondre hypnose dans la rue et hypnose de rue. La première a toujours existé la deuxième est récente.

J'en ai pris conscience quand j'ai lu le blog de Jean-Emmanuel.

Dans un premier temps, quand il s'est présenté sur Transe hypnose, je ne voyais aucune différence, ce qui a généré quelques incompréhensions et quelques joutes verbales.

Dans ce deuxième mouvement, qui est récent, d'après ce que j'ai compris, il y a divers courants. Eh oui, rien n'est simple !

Personnellement, j'aime beaucoup le courant de "Street Hypnose" car celui-ci explore les phénomènes hypnotiques et je pense que son angle de vue peut ramener  beaucoup à la compréhension des mécanismes sous-jacents à l'hypnose, j'irai même à dire, que depuis que j'ai commencé l'hypnose, environ 30 ans, l'approche du courant Street Hypnose, donne un véritable souffle nouveau à l'hypnose.

Actuellement, je suis particulièrement intéressé par le concours de vidéos qui se déroule, concernant les phénomènes hypnotiques obtenus en hypnose conversationnelle.

 

 

En ce qui concerne les raisons de son apparition, j'ai mon point de vue.

 

Il y a un cycle de l'hypnose.

Cette apparition est un renouveau de l'hypnose qui était très attendu.

L'hypnose avait disparue du moins en France.

En effet, les spectacles d'hypnose n'ont plus été à la mode depuis le début des années 1990.

Quant au courant ericksonien qui remplaça l'hypnose classique en thérapie, les thérapeutes  pour éviter les échecs n'utilisaient pas de phénomènes hypnotiques et donc ce qu'ils faisaient, n'avait plus rien avoir avec l'hypnose.

Je pense aussi, que les prétentions des hypno-thérapeutes qui soient médecins ou pas, tout au long des deux siècles précédents, étaient et sont encore trop éloignés des résultats obtenus réellement. Ils en demandent beaucoup trop à l'hypnose. C'est pour cela, que cette apparition sera suivi  d' une apogée et malheureusement celle-ci sera suivi d'un déclin.

 

Nous pouvons voir d'ailleurs que depuis Mesmer et son magnétisme, il y a eu plusieurs périodes de déclin de l'hypnose, jusqu'à sa désaffection et sa réapparition suivie d’apogée.

 

Pour citer un chercheur connu et reconnu : pierre JANET.

Il estimait, en 1919, que le déclin de l'hypnose n'était qu'"éclipse passagère".     réf  (Médecine psychologique  éditions Flammarion 1923)

Il disait également " dès que la mode aura fait son tour elle ramènera les traitements par la suggestion hypnotique, comme elle ramène les chapeaux de nos mères.    réf ( Les Médications psychologique éditons F, Alcan, Paris 1919)

 

 

[Kéwa]

Betham, j'ai pris le temps d'écouter le podcast (sauf les chansons). Je trouve le résultat décevant. Mais le problème vient plutôt des présentateurs. Pas vraiment de travail en amont, et un intérêt qui semblait assez volatile.

C'est dommage qu'ils n'aient pas laissé plus de temps d'expression. Surtout que ton parcours est intéressant. Philo et hypnose, ça donne des choses à développer.

[iago]

Oui je suis assez d'accord avec toi Kéwa. Bah, c'est une petite radio associative très jeune, rien n'avait vraiment été préparé... Au final ça n'a pas apporté grand-chose, ni aux auditeurs, ni à moi ; je ne suis pas sûr de retenter l'expérience. A mon niveau la meilleure façon de faire découvrir l'hypnose reste précisément la rue et le face-à-face.